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3 - Un facteur déterminant du climat à l'école élémentaire tchèque : la sélection scolaire précoce
by Kohout-Diaz Magdalena, ERCEF, Universités de Bordeaux 2 & 4

Theme : International Journal on Violence and School, n°11, September 2010

A partir d’une enquête de climat scolaire et de victimation dans les écoles élémentaires tchèques, l’article interroge le rôle de leur haute sélectivité dans la dégradation de la qualité des relations entre élèves et adultes de l’école. Après avoir rappelé les coordonnées idéologiques, politiques et sociohistoriques de la segmentation scolaire tchèque, il montre que l’impolitesse/agressivité des élèves envers les enseignants s’accentue proportionnellement à leur délaissement dans la scolarité élémentaire et à la notation du comportement.

Keywords : République tchèque, ségrégation, gymnasium, impolitesse, violence, enseignants.
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INTRODUCTION
À la rentrée scolaire 2008 se sont poursuivis et accentués les changements initiés dans le système éducatif tchèque par la nouvelle loi éducative de 2004 (MŠMT, 19/11/2004), qui joue un rôle déterminant dans la transformation de l’école tchèque. Entrée en vigueur progressivement entre le 1er janvier 2005 et le 1er septembre 2007, elle vise avant tout le développement d’une gouvernance plus autonome des établissements du premier et second degré.
Le système éducatif décentralisé invite notamment, depuis la rentrée 2007, chaque établissement élémentaire à proposer un programme d’enseignement propre [Školní vzd?lávací program, ŠVP].
En 2008-2009, s’est déployé le deuxième grand axe de cette réforme, à savoir la modification de l’évaluation finale des études secondaires [maturita-approx. baccalauréat], où la proportion de disciplines optionnelles, à profil [profilové disciplíny], sera augmentée. Après plusieurs années de transition, l’examen devient national à l’horizon 2012. L’élève choisit deux épreuves obligatoires (une en langue tchèque et, au choix, une en mathématiques, langue étrangère, sciences sociales ou encore informatique) et des épreuves optionnelles (dans un panel spécifique composé par chaque établissement, à la carte). Il y aura, au choix, deux niveaux de difficulté de l’épreuve. La responsabilité de l’organisation de l’épreuve et de la composition de la partie optionnelle incombe au chef d’établissement.
Les programmes et les modes d’évaluation sont donc réformés dans le sens d’une plus grande diversification des trajectoires scolaires et d’une accentuation du profilage des élèves. La question est de savoir si cette accentuation louable de la différenciation des parcours ne correspond pas en réalité à un accroissement supplémentaire des inégalités scolaires, pour lesquelles la République tchèque est déjà réputée (OCDE, 1996, 1999).
La sélection scolaire des dits « meilleurs élèves » s’opère actuellement dès le premier degré. Liée à une revalorisation de la segmentation verticale (Ringer, 2003, p.9), notamment par la réhabilitation du pouvoir sélectif des gymnasium depuis 1989, elle tend à se développer également au niveau des écoles élémentaires, où les classes et établissements à profils spécifiques, destinés aux élèves dits « les plus doués » prolifèrent. Ainsi, la multiplication des filières disciplinaires différenciées favorise une ségrégation socioculturelle, économique, voire ethnique (discrimination des Roms principalement). Cela n’est pas sans avoir un effet négatif sur le climat scolaire des établissements élémentaires où la relation entre des élèves laissés pour compte de la sélection et les adultes se révèle dégradée.
Mais dans un contexte éducatif encore embarrassé par l’héritage des fonctionnements éducatifs totalitaires (pédagogie directive et naturalisation de l’intelligence pour justifier la ségrégation, Štech, 2006) alors que conjointement, des efforts importants sont déployés pour s’aligner sur les références éducatives internationales, une autre interprétation est adoptée. C’est le harcèlement scolaire entre pairs [šikana] qui est mis en avant comme principale caractéristique du climat scolaire. Emprunté aux conceptualisations nord européennes de la violence scolaire (à la manière du school bullying : Olweus, 1983), ce diagnostic prépare l’introduction de réponses psychopédagogiques formulées en termes de programmes de rééducation comportementale pour des élèves stigmatisés par une terminologie psychopathologique (relevant de la defectologie, [defektologie]).
Après avoir brièvement explicité les coordonnées historiques et idéologiques de la sélection opérée par le départ des élèves pour le gymnasium, nous présenterons le cadre précis de l’enquête effectuée en République tchèque (Kohout-Diaz, 2006). Partant de l’idée que la violence scolaire est essentiellement liée aux mécanismes d’exclusion sociale (Debarbieux, 2006), nous proposerons une autre interprétation des résultats de l’enquête de victimation. Nous décrirons ensuite les effets de la ségrégation dans l’école élémentaire, à la fois en termes de processus de segmentation horizontale (création de parcours à profils spécifiques) mais aussi de climat scolaire, tel que perçu par les élèves (dégradation de la qualité des relations avec les enseignants et la direction). En outre, la recherche permet d’isoler les principaux facteurs de cette dégradation : les contenus d’enseignement et les pratiques pédagogiques des enseignants, ainsi que la notation du comportement par l’équipe de direction.
A cet égard, les réformes curriculaires ou celles des modes d’évaluation ne peuvent être dissociées d’une réflexion rigoureuse sur l’évolution des méthodes d’enseignement et des normes éducatives implicites de l’école.

LE SYSTEME EDUCATIF TCHEQUE : LA REVALORISATION DE LA SELECTION PRECOCE APRES 1989 ET SES EFFETS DANS L’ENSEIGNEMENT ELEMENTAIRE.
Le système scolaire tchèque pratique une sélection précoce et intensive depuis la chute du régime communiste : les premières épreuves destinées à une différenciation externe des élèves (scolarisation permanente dans une structure différente) ont lieu à environ 11 ans. L’inégalité qui en résulte est de plus en plus fréquemment soulignée par la recherche (Greger, 2005 ; Mat?j?, Straková, 2006 ; Štech, 2006).
DIVERSITE DES MODES DE SELECTION DANS LE PREMIER ET LE SECOND DEGRE.
Cette sélection est opérée principalement en direction des gymnasium, largement revalorisés depuis 1989. Elle a pour conséquence une (pré)sélection dans les écoles élémentaires vers des classes/écoles à profil spécifique [t?ídy/školy se speciálním zam??ením] avec un enseignement élargi [s rozší?enou výukou] dans certaines disciplines. L’alternative offerte par le gymnasium joue donc un rôle déterminant dans le caractère hautement sélectif de l’enseignement tchèque (primaire, secondaire mais aussi supérieur).
Afin de situer plus précisément le rôle et la place de ces établissements, présentons brièvement le système éducatif tchèque. Nous rencontrons, dans l'école tchèque, la spécificité du regroupement, dans le même établissement (appelé « élémentaire »), d’élèves du premier (6 ans à 10 ans) et du second degré (11 ans à 15 ans) qui, en France, fréquentent d’une part l'école élémentaire et d'autre part le collège. Actuellement, la scolarité obligatoire s'étend sur une période de neuf années pour des élèves de 6 à 15 ans, qui fréquentent alors l’école élémentaire [základní škola] du premier et du second degré. De 6 à 10 ans, les élèves suivent 4 ans de scolarité dans le premier degré, ce qui correspond à la scolarité de la 1ère à la 5ème classe (du C.P. au CM1 français). De 11 à 15 ans, les élèves suivent 5 ans de scolarité dans le second degré, ce qui correspond à la scolarité de la 6ème à la 9ème classe (du CM2 à la troisième de collège français).
Or, au cours de cette scolarité, les élèves peuvent, à trois reprises, quitter leur école afin de poursuivre la scolarité dans un autre établissement, le gymnasium, voie parallèle, mais d’excellence. Le tableau suivant donne un aperçu synthétique et comparatif de ce processus et indique aussi les sélections internes à l’école élémentaire qui s’en suivent et sur lesquelles nous reviendrons.



SPECIFICITE ET EVOLUTION HISTORIQUE DES GYMNASIUM.
Les gymnasium proposent une scolarité en 8 ans (si départ en 5ème classe), 6 ans (si départ en 7ème classe) ou 4 ans (si départ en 9ème classe). Ils dispensent un enseignement académique général, constituant une voie privilégiée et prestigieuse pour accéder aux études supérieures.
L'admission s'opère à partir d'examens d’entrée oraux et écrits, propres à chaque établissement et, parfois, à partir de tests d'intelligence. La décision finale est prise par le chef d’établissement à partir des compétences scolaires, officiellement critère principal de sélection. Il est cependant souverain pour décider, par exemple, d’une dispense d’examens. Le nombre d'admis varie de 6% à 14% suivant les régions. De fait, les gymnasium regroupent le plus souvent des élèves à haut capital socio culturel et/ou économique et sont perçus comme les vecteurs clé d’une reproduction (Bourdieu, Passeron, 1970) de la domination sociale (Mat?j?, Straková, 2003, 2006 ; Greger, 2005), la tendance actuellement soulignée étant de faire prévaloir la domination du capital économique des nouveaux entrepreneurs [podnikatele] de l’ère post totalitaire.
Un bref rappel historique permet de préciser le contexte social et politique dans lequel s’enracine cette revalorisation des gymnasium après 1989.
Ces structures héritées du système éducatif austro hongrois étaient les organes essentiels du maintien, à la fin du 19ème et au début du 20ème siècle, d’une hiérarchie des statuts contre l’émergence de la logique de classe capitaliste (Ringer, 2003, p.20). Elles avaient à l’origine une fonction sociale essentiellement sélective et de reproduction pour des élites à fort capital socioculturel.
De la même façon que les gymnasium prussiens, ces établissements se donnaient pour mission de favoriser la perpétuation d’une « aristocratie de l’intelligence » (Walterová, 2004). En 1776, seul 1% des élèves tchèques y accédait, pour des raisons sociales et linguistiques. La langue parlée y était jusqu’en 1816 exclusivement l’allemand et le tchèque n’acquit un statut équivalent qu’en 1849. Ils proposaient un enseignement classique avec un volume substantiel de grec et de latin, préparant ainsi des élèves présélectionnés, au delà du parcours universitaire, à des professions savantes traditionnellement prestigieuses de la fonction publique.
En 1918, lors de la création de l’Etat tchécoslovaque, l’attention des réformateurs fut concentrée plutôt sur les dimensions ethniques et nationales de l’équité scolaire, même si des efforts furent entrepris afin de démocratiser les parcours scolaires (la loi éducative de 1921 en est un exemple, qui aménageait les conditions financières d’entrée au gymnasium pour des élèves socio économiquement défavorisés). Ce cheminement résolu vers la démocratisation des parcours scolaires fut interrompu par la Seconde Guerre mondiale et, dès 1948, par l’instauration de « l’école socialiste ». Le gymnasium tchèque représentait alors la seule voie d’accès aux études supérieures, alors même que son rôle dans la construction des inégalités scolaires était pointé dès le début du 20ème siècle (Walterová, 2004).
Au cours de la période totalitaire (1948-1989), la question de la mutation/suppression du gymnasium évolua proportionnellement aux efforts normalisateurs ou aux périodes plus libérales du régime politique en place. Au cours des années 50 en particulier, la problématique de la démocratisation des parcours scolaires fut reprise mais déformée pour être inféodée à l’idéologie dominante (confusion entre démocratisation et uniformisation) : le gymnasium disparut en 1953 [Zákon ze dne 24 dubna 1953, Loi du 24 .04. 1953], accompagné de la standardisation des contenus et des méthodes pédagogiques ainsi que du nivellement des trajectoires scolaires.
Les années 60 ont vu un assouplissement relatif du régime, permettant de prendre acte de l’échec de l’école uniformisée et de la nécessité de remplacer la ségrégation des élèves qui en résulta par la différenciation des parcours. Réhabilité en 1968, après une période de 15 ans (1953-1968), le gymnasium en quatre ans préparait à l’entrée à l’Université. La période de la Normalisation (début des années 70), consécutive aux événements du Printemps de Prague, aboutit à la réorientation des enseignements vers des contenus essentiellement polytechniques et professionnels. L’accès n’y était possible qu’une seule fois, à l’issue de l’enseignement élémentaire du premier degré.
Mais après la Révolution de Velours, en 1990, la possibilité de quitter l’élémentaire dès le premier degré fut réinstaurée. L’élève avait alors cinq fois la possibilité de partir au gymnasium : il pouvait donc y suivre une scolarité de 8, 7, 6, 5 ou 4 ans (cette durée fut ramenée en 1995 à seulement trois possibilités : 4, 6 ou 8 ans). Au cours de la période de transition, renouer avec la sélection précoce que traduit la revalorisation de la segmentation verticale par les gymnasium (mais aussi celle de la segmentation horizontale à l’école élémentaire elle même) avait des significations idéologiques fortes. Cette volonté émanait notamment du courant réformateur radical, dont l’objectif premier était, dans l’immédiat après-1989, « de déconstruire (voire de détruire) le collège unique [second degré de l’école élémentaire tchèque] d'obédience communiste [1953-1968]. » (Greger, 2005). Le nombre d’élèves par classe d’âge s’orientant vers le gymnasium a atteint son apogée au cours de l’année 1997-1998 où il concernait 10% des élèves scolarisés, avant que le Ministère de l’Education de la Jeunesse et des Sports [MŠMT] ne régule ce processus.
L’opinion communément répandue sur ces établissements reste qu’ils regroupent des élèves dont les capacités intellectuelles et culturelles sont supérieures à la moyenne, qu’ils sont plus surs, mieux financés (le financement par tête d’élève y est effectivement supérieur) et que les enseignants y sont plus qualifiés et plus compétents, même si la recherche, s’appuyant sur les résultats des enquêtes PISA, indique au contraire qu’il n’y a pas de différences significatives en ce qui concerne les compétences globales des élèves en fin d’études, que les gymnasium sont en réalité fréquentés par des élèves dont les résultats sont plutôt en dessous de la moyenne internationale et que la sélection s’opère essentiellement sur des critères socioéconomiques (Mat?j?, Straková, 2003).
En 1995 et en 1998, des enquêtes nationales émanant de l’OCDE et visant à une évaluation du système éducatif tchèque renouvelé ont inauguré une seconde phase de la transformation éducative (première phase : 1990-1996), finalisée par le Livre Blanc (MŠMT, 2001), qui définit un programme national pour le développement de l’éducation. Or les experts de l’OCDE (sous la présidence de J.P. Jallade en 1995), ont indiqué dès 1996 (et de nouveau en 1999) que dans les conditions d’un financement insuffisant du système éducatif tchèque, la suppression des gymnasium était souhaitable. Le Ministère [MŠMT] refusa par deux fois ces suggestions arguant que « l’égalité des droits d’accès aux niveaux supérieurs de l’enseignement et la cohésion sociale ne sont pour le moment pas considérés comme les principes nécessaires de la politique éducative tchèque » (Priority…, 1999, p.29). Le 30 juin 2000, le futur président de la République V. Klaus, alors secrétaire général du parti ODS [Ob?anská Demokratická Strana, Parti démocratique civique : parti néolibéral atlantiste tchèque] se prononça contre la suppression. Malgré les recommandations du Livre Blanc en 2001, les gymnasium ne furent pas fermés.
LA SELECTION DANS LES ECOLES ELEMENTAIRES.
La revalorisation de la ségrégation scolaire par le gymnasium entraine une accentuation de la sélection à l’école élémentaire elle même : l’offre de spécialisation se diversifie et se fait plus précoce.
La possibilité de créer des conditions spécifiques d’enseignement pour des élèves particulièrement doués ou talentueux [mimo?ádn? nadaní a talentovaní žáci] a été instituée déjà en 1984 [O soustav? základních a st?edních škol] afin d’instaurer les conditions d’une différenciation pédagogique maîtrisée. Il est à noter que cette organisation du système éducatif repose sur la conviction persistante que les performances scolaires sont « génétiquement conditionnées » [geneticky podmín?né] et « reposent sur des capacités innées plutôt que sur un travail acharné, sur des efforts, et éventuellement sur la qualité des enseignements ». La déconstruction de ce type de discours est par conséquent la condition d’un réel travail sur l’inégalité scolaire (Walterová, 2004, T2, p.369).
Les aménagements législatifs de la période post communiste, orientés vers un accroissement de la différenciation et de l’autonomie dans l’éducation, ont laissé cette possibilité inchangée. Les conditions étaient ainsi réunies pour que l’école élémentaire puisse tenter de concurrencer le gymnasium sur son terrain même : celui de la distinction des élèves dits « à haut potentiel ». Les écoles et les classes à profils spécifiques ont commencé à se multiplier (spécialisées en langues étrangères, en sport, en biologie, en mathématiques, techniques, informatique, musique, arts), pratiquant une sélection encore plus précoce. En réalité, les premières épreuves de sélection ont lieu dès l’âge de 8 ans (CE1 français, voir tableau 1), surtout en direction des options « langues étrangères », par les quelles le système ordinaire tente de retenir les élèves dans ses murs et d’opérer la sélection d’une élite prestigieuse. Au cours de la période socialiste, les institutions « concourraient pour le titre d’école socialiste exemplaire. Aujourd’hui, la situation est semblable, seulement, cette compétition est remplacée par un combat pour le nombre d’élèves, c’est-à-dire pour l’argent. » (Bendl, 2004, p.39).
Ce bref portrait de l’évolution du système éducatif tchèque, considéré à travers le prisme de la segmentation scolaire, permet de saisir que cette dernière est un facteur déterminant du climat social de l’école élémentaire, étroitement articulé aux diverses tensions idéologiques qui, au cours de l’histoire politique du pays, ont influé sur l’organisation et le fonctionnement global de l’éducation. Les résultats concernant l’évaluation du climat et de la victimation à l’école élémentaire peuvent alors être considérés dans une perspective nouvelle.

L’EVALUATION DES EFFETS DE LA SEGMENTATION SCOLAIRE A PARTIR DE L’ETUDE DU CLIMAT SCOLAIRE ET DE LA VICTIMATION DANS L’ELEMENTAIRE.
CARACTERISTIQUES DE L’ENQUETE.
L’enquête réalisée (Kohout-Diaz, 2006) consiste en la passation, dans 15 écoles élémentaires tchèques de Prague, d’Olomouc (région de Moravie) et de leurs banlieues, de questionnaires d’Indice de Climat Scolaire et de victimation (Debarbieux, 1996) par 1638 élèves du premier et du second degré. Ces données ont ensuite été comparées aux données françaises (échantillon de 6268 élèves de 8 à 16 ans, en écoles primaires et au collège, Debarbieux, 2003) dans le cadre de l’Observatoire Européen de la Violence Scolaire. L’enquête s’est enrichie de 63 entretiens semi directifs menés avec les enseignants ou autres adultes de l’école (essentiellement directeurs des établissements) et d’observations ethnographiques. C’est la première enquête de ce type dans un pays de l’ancien bloc de l’Est.
Le questionnaire tchèque comporte 32 items dont l’objectif est d’évaluer 3 types de variables : le climat scolaire (qualité des relations, qualité des apprentissages, justice, nature et fréquence des punitions), la perception de la violence et de la victimation, la perception de la délinquance. Un Indice de Climat Scolaire (I.C.S., Debarbieux, 1996, p.125) est calculé à partir des variables suivantes : évaluation globale de l’école, qualité des relations entre les élèves, qualité des relations enseignants-élèves, qualité des relations élèves-autres adultes de l’école, agressivité des élèves envers les professeurs, qualité des apprentissages.
Le climat scolaire est également caractérisé à partir une comparaison du rapport à l’école des élèves français et tchèques. Cette variable est calculée par classification automatique, en utilisant les paramètres déterminants du climat scolaire (climat général, qualité de la relations entre élèves, qualité relations avec les professeurs, qualité de la relation avec les autres adultes de l’école, agressivité envers les professeurs, qualité des apprentissages, Indice de Climat Scolaire) qui font varier quatre items représentatifs des conceptions des élèves.
En République tchèque, l’objectif premier était de vérifier une idée reçue dominante dans ce pays, selon laquelle le climat des écoles élémentaires est avant tout caractérisé par le harcèlement scolaire entre pairs [šikana] (Havlínová, Kolá?, 2001), avec une interprétation exclusivement psychopathologique de ce phénomène, alors que la dimension contextuelle du climat et de la violence scolaires, comme liée à l’exclusion sociale est à présent établie par la recherche en France (Debarbieux, 2006) ou aux Etats-Unis (Gottfredson, 2001 ou Benbenishty & Astor, 2006).
Suivant nos résultats, le climat se caractérise plutôt par une qualité dégradée de la relation entre les élèves et les adultes de l’école pour des motifs liés précisément aux vecteurs implicites de la ségrégation (méthodes pédagogiques et contenus d’enseignement d’une part et notation du comportement d’autre part).
PRINCIPALES LIMITES METHODOLOGIQUES ET EPISTEMOLOGIQUES.
Au cours de l’enquête, nous avons accepté l’aide de collègues universitaires locaux pour entrer sur le terrain et donc d’être orientée vers des écoles d'application, collaborant avec l'Université. Nous pouvons imaginer que c’est là un terrain d'enquête où le climat scolaire est globalement bon. Dans la mesure de cette contrainte, nous avons toutefois choisi des établissements à profil socioéconomique le plus varié possible, plutôt localisées en milieu urbain et périurbain (une seule école rurale fait partie de l’échantillon). Une enquête en milieu rural, à faible implantation de gymnasium, reste à réaliser.
Le choix des classes avait été laissé aux directeurs des écoles : or il se trouve que la plupart du temps nous avons été dirigée vers des classes d'excellence, sous divers prétextes (« les autres sont trop agitées », « ne seront pas sages », « ont des évaluations » etc…) ou sans commentaire. Dans seulement 4 établissements sur 15 il nous a été demandé notre préférence et nous avons alors mené l'enquête dans des classes où un harcèlement s’était révélé ou était soupçonné, où le climat était apparemment mauvais. Les résultats n’ont été spectaculaires ni dans un sens, ni dans l’autre.
Le questionnaire ICS a subi des modifications liées à l’objectif spécifique de l’enquête, à la traduction et au contexte culturel du pays. Pour le propos qui nous concerne ici, il convient de souligner que les questions portant sur la prévalence et la nature de la victimation (« faire mal »), nous nous sommes inspirée du questionnaire de l’enquête locale testée (Havlínová, Kolá?, 2001) qui, du reste, rejoint sur certains points la typologie de Debarbieux (1996).
La question concernant l’agressivité dans la relation aux enseignants a dû être adaptée au contexte culturel. La formulation en devient, dans la version tchèque : « Dans votre école les élèves sont-ils corrects (polis : [slušní]) envers les enseignants ? ». Nous avons choisi d'éviter « agressifs » [agresivní] dont l’usage dans la langue tchèque est plutôt réservé à une langue spécialisée que les élèves ne connaissent pas forcément. D’autre part, úto?ný ou výbojný, proposés communément dans les dictionnaires pour traduire « agressif », désignent plutôt une agression militaire, une attaque physique ou bien la provocation. Ils ne pouvaient pas être employés dans ce contexte. Nous en avons donc conclu que ce qui pouvait être accessible et clair pour les élèves, tout en étant proche de la question du comportement agressif envers les enseignants, était de savoir si les élèves se comportaient avec eux de manière correcte. L’immersion ethnographique montre enfin que le terme de (ne)slušnost [(in)correction, (im)politesse] est un indicateur pertinent du climat scolaire tchèque et est employé très fréquemment à l’école tchèque par tous les acteurs.
Enfin, sur un plan épistémologique, l’enquête cherche à éclairer la corrélation entre la segmentation scolaire et la qualité du lien pédagogique et éducatif à l’école. L’objectif est de montrer le rôle déterminant de ce facteur mais nullement de récuser la dimension multifactorielle de la violence scolaire.
ETAT DES LIEUX SUR LE CLIMAT SCOLAIRE : EPIDEMIE DE HARCELEMENT ENTRE PAIRS ?
Une recherche significative a été menée en République tchèque sur le climat social des écoles élémentaires (Havlínová, Kolá?, 2001) à l’initiative du Ministère [MŠMT]. Elle visait à vérifier l’efficacité du projet tchèque « L’école saine » [Zdravá Škola], adapté à partir du projet britannique The Healthy School, conçu par I.Young et T.Williams (1989-1991) qui a inspiré le programme européen Health Promoting School en faveur de la santé à l’école. En République tchèque, ce projet a été l’un des premiers à formaliser les transformations du système éducatif depuis 1989 (Spilková, 2005, p.279 et suiv.).
Or le climat scolaire y est réduit a priori au harcèlement entre pairs, conçu comme une pathologie sociale liée à des troubles des conduites. Une approche médicale et sociale de la santé/sécurité s’y mêlent dans l’objectif de savoir si le programme contribue à protéger les élèves et à prévenir le développement des pathologies sociales. Pour cela, la recherche compare le climat de 33 écoles qui le mettent en œuvre et 33 écoles témoin. Le corpus, constitué exclusivement d’élèves du second degré [6ème à la 3ème françaises], sans que l’effet de la segmentation ne soit évoqué, donne la réponse suivante : à la question de savoir si « quelqu’un leur a déjà fait mal à l'école », 41% des élèves répondent « oui ». Ce résultat plaide, selon les auteurs, en faveur d’une « épidémie du harcèlement à l’école élémentaire », au sens d’une augmentation croissante de groupes et d’individus « malades » du « virus » du harcèlement (Kolá?, 2001). La qualité scientifique de ce travail mérite largement d’être interrogée, non seulement à cause de ses finalités a priori mais aussi parce que seuls les élèves du second degré ont été interrogés et que l‘un des chercheurs, (principal spécialiste national du harcèlement scolaire, psychothérapeute, pédagogue spécialisé et etopede) est lui-même concepteur et propagateur d’un programme de lutte contre le harcèlement entre pairs.
D’autres hypothèses peuvent être proposées pour expliquer le malaise des élèves du second degré que traduit ce chiffre élevé (la plupart des enquêtes internationales montrent un chiffre moyen d‘environ 20% de victimes, Debarbieux, 2006), qui ne sont pas ancrées dans le champ de la santé mentale et la psychopédagogie (voire celui de la rééducation comportementale) mais plutôt dans une analyse des mécanismes conjoncturels de la ségrégation scolaire. C’est l’objet même de cet article.

LE CLIMAT DE L’ECOLE ELEMENTAIRE TCHEQUE : MISE EN CAUSE PAR LES ELEVES DE LA RELATION AUX ADULTES.
La relation des élèves aux adultes paraît sensiblement dégradée, même en dehors du point de vue comparatif. Les questionnaires révèlent massivement deux données. D’une part, en direction des enseignants, c’est surtout l’inadaptation des méthodes et contenus d’enseignement qui est soulignée. D’autre part, s’ils sont questionnés sur des faits de violence, les élèves évoquent majoritairement les punitions par baisse de la « note de comportement » [známka z chování] par le directeur (ou ses adjoints) pour impolitesse envers un enseignant.
Deux facteurs déterminants de la ségrégation scolaire se dégagent donc, tels que perçus par les élèves. Les compétences dites « insuffisantes » des enseignants sont mises en cause car elles n’ont pas permis aux élèves d’être sélectionnés pour le gymnasium. La notation du comportement apparaît, elle, comme un marqueur social et scolaire injuste, ayant en réalité pour vocation de sanctionner par l’exclusion une déviance comportementale à l’égard des exigences conformistes des adultes.
VIS A VIS DES ENSEIGNANTS : IMPOLITESSE AUTO REPORTEE DES ELEVES ET MISE EN QUESTION DES COMPETENCES PEDAGOGIQUES PAR DES ELEVES LAISSES-POUR-COMPTE.
Notre enquête confirme que le climat scolaire est un phénomène complexe, multifactoriel (Debarbieux, 2006). Globalement, le climat de l’école élémentaire tchèque est policé ; il n’est pas caractérisable par le harcèlement entre pairs. L’ensemble des résultats obtenus oriente plutôt vers une évolution difficile des normes comportementales des adultes dans le contexte d’une tension entre des mécanismes de reproduction des habitus scolaires (Bourdieu, Passeron, 1970) totalitaires et de l’ultra libéralisation du système éducatif (Prokop, 2003)
Les victimations déclarées consistent surtout en insultes courantes (73,1%), médisances ou moqueries. Elles exploitent les métaphores animales ou stigmatisent de supposées faibles capacités intellectuelles des élèves. Paradoxalement, elles sont considérées comme à la fois normales et malpolies. Comparativement aux résultats français, le climat relationnel entre les élèves tchèques s’avère significativement bon. Plus encore, lors du calcul de l’Indice de Climat Scolaire, c’est le seul critère qui n’apparaît comme négatif dans aucun des 15 établissements visités. Au contraire, les relations avec les enseignants et les autres adultes de l’école déterminent une dégradation du climat scolaire et sont mises en cause par plusieurs indicateurs (qualité des relations, changements souhaités, qualité des apprentissages, correction envers les professeurs).
Le rapport à l’école, comparativement à la France, est caractérisé par l’agressivité/impolitesse des élèves tchèques envers leurs enseignants, comme le montre le tableau ci-dessous. Certes les élèves tchèques ne jugent pas majoritairement que « Tout Va Mal » (TVM) mais ils sont, comparativement à la France (TVB-caractéristique du premier degré français, Debarbieux, 2003), nombreux à pointer l’agressivité de la relation aux enseignants (« Aggprofs »).



Qui sont ces élèves ? Le croisement des variables étudiées permet de montrer qu’il s’agit plutôt de filles (63,7%), qui ont entre 12 et 17 ans (second degré). Leur jugement global concernant la qualité des apprentissages connaît une baisse sensible à mesure que la scolarité progresse. Elle est jugée juste « moyenne » par 23, 5% des élèves du 1er degré mais par 41,98% dans le second degré et ceci indépendamment de la variable âge. Nous pouvons ainsi évoquer un « effet degré » dans la dégradation de la qualité de la relation pédagogique et éducative : pour deux élèves du même âge, l’évaluation de la relation sera plus sévère s’il fréquente le second degré.
La relation aux enseignants se dégrade donc proportionnellement à l’impact de la sélection pour des élèves plutôt sérieux, voire conformistes, qui s’adaptent apparemment bien aux normes comportementales des adultes (politesse, morale exogène) et qui pensent qu’ils apprennent bien mais qui ne sont pas retenus pour les filières prestigieuses alors même qu’ils pourraient y prétendre. Perdants de la sélection socio économique et culturelle du nouveau marché scolaire, leur nombre augmente au fil des années alors que leurs chances s’amenuisent. Il est probable que cette caractérisation du public interrogé corresponde en outre au profil général des classes et établissements choisis : des écoles élémentaires publiques d’application, plutôt traditionnelles, collaborant avec l’Université et des classes « d’excellence » rassemblant des élèves plutôt « sages ».
Alors s’agit-il ici « d’impolitesse » ou bien de l’émergence d’une liberté critique nouvelle, considérée pour le moment encore du point de vue des normes éducatives conformistes héritées du totalitarisme par des élèves qui sont conduits à les reproduire ?
VIS A VIS DE LA DIRECTION : LA NOTATION DU COMPORTEMENT, VECTEUR D’UN MARQUAGE SOCIAL INJUSTE ET VIOLENT.
Les questions de discipline, d’évaluation, d’autorité, de fréquence élevée ou d’injustice de la punition n'arrivent pas, du point de vue des élèves, dans leurs préoccupations majeures. Ils ne trouvent pas les punitions fréquentes et elles leur paraissent globalement justes. Pourtant, indiscutablement, les changements souhaités concernent avant tout les enseignants. Ils sont posés en termes de pratiques pédagogiques (pédagogie de groupe, par le jeu, interactive) ou de contenus d'enseignement (curricula : « apprendre des choses utiles »), si ce n’est simplement en matière de relations aux personnes (adultes « plus proches »).
Les questionnaires révèlent très précisément une situation qui paraît injuste aux élèves : c’est celle où le Directeur punit l’élève par une baisse de la « note de comportement ». Or il s’avère que la raison pour laquelle le Directeur (avec, en principe, un avis consultatif de toute l’équipe pédagogique mais en l’absence de l’élève et de sa famille) punit ainsi est justement l’impolitesse envers les enseignants. C’est la seule situation explicitement qualifiée de violente.
La pratique de la notation de comportement a été réaffirmée par un avis du Ministère de l’Education, de la Jeunesse et des Sports (MŠMT) en 2005 [Vyhláška MŠMT ?. 13/2005], dans un contexte éducatif où la forme sommative de l’évaluation prévaut encore largement (Walterová, 2004). Alors que l’échelle de notation des compétences disciplinaires évolue de 1 à 5 (excellent, satisfaisant, bon, suffisant, insuffisant), pour évaluer le comportement, le spectre est moins large (donc plus discriminant) et évolue de 1 à 3 (très bon, satisfaisant, insatisfaisant). La baisse de la note de comportement, inscrite dans le carnet scolaire de l’élève, est une raison suffisante pour exclure l’élève de l’école, jusqu’à la fin de l’année scolaire et au maximum pendant un an. C’est un stigmate clair et simple qui le suivra tout au cours de la scolarité.
La question des motifs de cette sanction n’est mentionnée explicitement que dans les gymnasium ou les établissements privés. Le règlement intérieur évoque alors la façon dont l’élève respecte les normes comportementales formelles d’une morale close, « emprisonnée et matérialisée dans des formules » (Bergson, 1932, p.56) c’est-à-dire « respecte l’étiquette [etiketa] au cours de la représentation de l’école en public » . Un programme payant appelé « L’étiquette dans les écoles ou les règles fondamentales du comportement à l’école et en société. » est d’ailleurs proposé aux établissements scolaires sur le web. Son but est clairement affiché : « Perfectionnement et amélioration du comportement et des manières des élèves envers les adultes. »
La référence à « l’étiquette » ne peut pas ne pas évoquer les problèmes relatifs au style pédagogique directif et formel de la période communiste, fondé sur la menace et la manipulation, visant les manifestations externes de la discipline et orienté presque exclusivement sur les performances de l’enfant (« absolutisation des notes », Spilková, 2005, p.30). Elle peut être articulée également avec les normes éducatives de la Première République (1918-1938) et témoigner d’une volonté nostalgique de retour aux valeurs pré communistes.
L’impolitesse cristallise donc une normativité des conduites scolaires en évolution, dans un contexte ségrégatif. Consiste-t-elle à exprimer une critique à l’égard des méthodes et contenus des enseignements ? L’une des enseignants précise que la politesse, c’est « ne pas désobéir » et une autre que, comme la socialisation, « la politesse, ce n’est qu’une question d’intelligence, d’intelligence naturelle », dont sont doués ses élèves sélectionnés dans la meilleure classe d’une école spécialisée de langues étrangères (meilleur ICS de l’enquête). Cette intelligence naturelle expliquerait d’ailleurs que ce soit « une excellente classe » dont les élèves « restent en groupe, bien soudés, ils ne se lient pas avec les élèves d'à côté, de la 4ème B. Oui, ils savent que dans la 4ème B, il y a des problèmes éducatifs, il y a même un élève qui a des problèmes psychologiques, je le leur ai dit. De toute façon, ils le sentent et c'est pour ça qu'ils ne se lient pas avec eux. Bref, ils restent seulement entre eux et ne fréquentent pas d’autres classes. »
Au cours de notre enquête, tous les acteurs sans exception ont signalé l’inefficacité éducative de cette pratique injuste. Aucun texte ne définit précisément ni l’étiquette, ni la différence entre un comportement « très bon » (noté 1) et « insatisfaisant » (noté 3). Sa visée semble être plutôt un marquage social de certains élèves pour déviance à l’égard des conduites attendues envers les enseignants et qui compromet l’accès au gymnasium, sauf à le corriger par une compensation financière en direction de l’établissement sous la forme de la pratique, assez répandue, du sponsoring privé ou des nouvelles formes du marché gris de l’école (Prokop, 2003). Ces fonctionnements permettent sans doute de comprendre pourquoi plusieurs enseignants ont pu dire que sont en fait paradoxalement regroupés là des « élèves à problèmes ».

CONCLUSION
Si la recherche aboutit en France à l’idée que la violence scolaire prend de manière prévalente la forme d’une violence d’exclusion (Debarbieux, 2006), ce constat peut être fait encore plus clairement en République tchèque. Elle ne consiste pas dans des difficultés relationnelles entre les pairs à l’école mais dans la mise en cause, par les élèves, à la fois des adultes de l’école et des méthodes éducatives qui opèrent une ségrégation scolaire rigoureuse.
La relation aux adultes revêt la forme spécifique d’une impolitesse, constatée par des élèves sérieux mais laissés pour compte de la sélection scolaire précoce, oscillant entre la conformation aux normes comportementales et la protestation contre des pratiques injustes et inadaptées. D’un autre côté, ce résultat indique l’émergence d’une liberté critique nouvelle à l’égard des normes éducatives rigides encore largement en cours, à savoir une pédagogie insuffisamment orientée vers l’élève (interactive), des contenus inadaptés et abstraits ainsi qu’un attachement excessif à la conformation du comportement à une étiquette scolaire implicite et à son évaluation sommative (Spilková, 2005).
A cet égard, la promotion publique du phénomène šikana, dont l’étiologie est rapportée ou bien aux corruptions de la période communiste ou bien aux nouvelles pathologies sociales afférentes au libéralisme et aux transformations socioéconomiques et politiques consécutives à la Révolution de Velours, s’inscrit dans des enjeux idéologiques. Associée au courant conservateur et traditionnel, partisan d’une adaptation modérée et seulement partielle des structures, elle se démarque du courant politique prônant la dé communisation radicale au cours de la période post révolutionnaire immédiate (Walterová, 2004, T1, p. 69). Ainsi, paradoxalement, l’adoption des classifications de la psychopathologie américaine (DSM IV, 2000) permet de renouveler des « conceptions psychologiques biologisantes et fixistes de l´individu », typiques des années 60 (Štech, 2006) qui sont alors instrumentalisées au service de la naturalisation de l’intelligence et d’une discrimination moralisatrice, comme c’était le cas au cours de la période communiste. Un exemple : l’influence des agresseurs est « qualifiée par de nombreux auteurs d’infection morale qui touche le groupe classe » (Bendl, 2003, p.39).
Or cette valorisation de la ségrégation scolaire n’est pas liée tant à une mobilité insuffisante du système éducatif (voir les nombreuses réformes de l’enseignement depuis 1989, Walterová, 2004, T1, p.67-77 ou Spilková, 2005, p.263-309) mais plutôt à une volonté politique délibérée de renouer avec une sélection sociale rigoureuse à/par l’école, typique de la période de la Première République (1918-1938) et que cette conception véhicule.
Elle traduit donc l’affrontement ambigu de plusieurs courants idéologiques quant à l’assomption du passé (pré)communiste. A côté des tentatives de conservation des pratiques construites pendant la période totalitaire ou de la rupture radicale avec l’école communiste par la tentative de restaurer un statu quo ante, la construction détaillée et rigoureuse des pratiques et de l’histoire récente de l’école tchèque semble une tâche incontournable au moins pour le chercheur.


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